Beaucoup d’entre vous pensent que, parce que je suis une femme et que je m’occupe principalement des femmes, alors je suis forcément une féministe qui lutte contre les hommes, que je les condamne, que je leur en veux d’être ce qu’ils sont.

En tant que femme, je porte en moi la mémoire de l’homme massacré. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, plus j’ai apaisé ma vulve manifestée de femme, plus j’ai accueilli et guéri mon pénis d’homme non manifesté. 

Aujourd’hui, je sens en moi cet homme bander de toutes ses forces. Debout, il protège mes parts encore orphelines blessées. Mon pénis, il est comme le sabre du samouraï planté devant moi, gardien du grand mystère. Il est là, entièrement présent, repoussant tous les pilleurs.


Mais mon homme intérieur n’a pas toujours été debout. J’ai dû aller le chercher au fond de mes entrailles, dans la boue des tranchées pour qu’il me raconte son histoire. J’ai dû l’accoucher et accueillir ses pleurs de douleur.
En ce moment, les femmes manifestent envers les hommes une haine qui n’a jamais été égalée. Nous, les femmes, nous les confondons avec le patriarcat. Mais ils en ont autant souffert que nous, sinon plus, de cette aire patriarcale.

Aujourd’hui, je veux donner le micro karaoké à mon homme intérieur massacré. Il a besoin de pleurer, il a besoin de se dire pour se libérer des emprises du patriarcat.

“Merci Karine de me donner enfin le micro karaoké.
Comment commencer ?


Je me sens sidéré. Sidéré qu’on me donne enfin la parole. Je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas comment dire. Dès mon plus jeune âge, j’ai été coupé de mes émotions et de mes besoins les plus profonds.


Personne ne m’a appris… J’ai peur de mal dire, de mal comprendre, de mal faire. Ça fait mal depuis si longtemps que j’ai oublié que je souffre. En cuirassé dans des siècles de d’obéissance, j’ai appris à souffrir en silence. 
On m’a appris à prendre les armes pour libérer ma patrie, à avoir le sens de l’honneur pour protéger mes frères d’armes. J’ai fait plusieurs guerres au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, mais j’ai rarement consenti. Personne ne m’a demandé mon avis. J’ai été emprisonné, contraint de me battre, j’ai tué, torturé, violé… tout ça pour protéger “Notre grande mère patrie”. J’ai fait mon devoir en mettant mon humanité de côté et faire ce que l’on attendait de moi: Un bon petit soldat. J’ai dû survivre dans ce monde de brute en devenant moi même une brute.
Aujourd’hui, les femmes clament leur #meeto et #balancetonporc. Elles font ce que nous n’avons pas pu faire à une autre époque, être libres et consentants dans nos corps vivants.


Qui s’occupe du grand viol psychique que nous avons vécu pendant toutes les guerres du siècle dernier ?

Nous avons été formatés pour être de la chair à canon, manipulés et manipulables. Si tu voulais déserter, tu était abattu comme un chien. Nous sommes revenus en stress post-traumatique, retenant dans nos tripes les horreurs vécues là-bas. 

Que croyez-vous qu’il se passait dans les tranchées et les prisons lorsque nous étions expatriés de force, loin de nos familles ? Parfois, nous nous sommes violés entre nous. Certains ne l’ont pas supporté. Ce n’était pas catholique de faire ça. Nous sommes rentrés de l’enfer en le ramenant dans nos frocs.

Karine, il fallait enfouir tout cela au plus profond de nous, comme des vieux sacs d’ordures. On nous a dit que les pédérastes allaient tous en enfer…
Que Dieu ait pitié de nous!
Pour avoir commis l’irréparable, le poids de l’enfer plane encore dans nos verges et nos “trous de balles”.

Karine, quand tu es sur le front, si tu écoutes tes émotions, tu es mort. Pour ceux qui sont rentrés, ils ont ramené les traumatismes dans la chambre à coucher. Ayant perdu toute notion d’humanité, nous avons violé nos propres femmes, nous les avons battues.

Article de karine.maurer.coach@gmail.com
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